Témoignage depuis Tel Aviv : Frappes de missiles et mobilisation du mouvement pacifiste citoyen

Anonyme

Chers amis,

Mon week-end a commencé tard dans la nuit, entre vendredi et samedi, lorsque j’ai été réveillé à 2h37 du matin par le son d’une alarme. Un missile balistique en provenance du Yémen se dirigeait vers Tel-Aviv et a frappé Jaffa, causant des dégâts matériels et faisant plusieurs blessés. Les rues autour du point d’impact présentaient l’image de citoyens israéliens, juifs et palestiniens, courant pour se mettre à l’abri, tandis que les fenêtres volaient en éclats et les murs se fissuraient. Ma famille et mes deux petites filles, bien que situées à quelques kilomètres de l’endroit touché, ont tout de même été secouées et se sont réfugiées dans le sous-sol de notre immeuble.

L’une des personnes qui loue un appartement juste à côté du point d’impact est une militante pacifiste. Toutes ses fenêtres ayant été brisées, elle a passé le reste de la nuit chez une amie, attendant que la municipalité vienne réparer les dégâts. Physiquement, elle va bien, mais elle reste profondément marquée par l’expérience. Ce qu’elle a vécu est similaire à l’épreuve traversée par la majorité des habitants de Jaffa, juifs et palestiniens, qui ont perdu le peu de sentiment de sécurité qu’ils pouvaient encore avoir.

Dans ce contexte désastreux des élus municipaux affiliés au mouvement pacifiste tentent de rester en contact avec les résidents touchés à Jaffa pour répondre aux plus urgents de leurs besoins. Ils se rendent dans les foyers des personnes affectées, pour les aider à dégager les débris et réparer ce qui a été détruit. Les mouvements politiques de base sont puissants, surtout en période de crise, lorsque les institutions officielles ne peuvent être d’aucun secours. Dans ces moments-là, seules les communautés organisées peuvent réellement compter les unes sur les autres.

Ce même week-end où un missile yéménite frappait Jaffa, notre propre armée bombardait des camps de réfugiés dans la bande de Gaza, tuant des dizaines de personnes, dont sept enfants d’une même famille dans le camp de Jabalia, le plus âgé ayant seulement six ans. Ces développements dramatiques soulignent une fois de plus l’urgence d’un accord de cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre à Gaza et ramener les otages vivants.

Une large majorité de 74 % des Israéliens soutient un tel accord, selon un sondage publié vendredi par le quotidien Maariv (en hausse par rapport aux 72 % mesurés une semaine plus tôt par Channel 12 News). Même parmi les électeurs des partis de droite actuellement au pouvoir sous Nétanyahou, 57 % souhaitent la fin de la guerre.

Face à cette large majorité au sein de la société israélienne qui soutient la fin de la guerre, Nétanyahou et ses partenaires d’extrême droite s’y opposent fermement. Dans une interview publiée vendredi par le Wall Street Journal, Nétanyahou a déclaré explicitement qu’il «n’acceptera pas de mettre fin à la guerre avant d’avoir éliminé le Hamas». Un objectif qui semble encore lointain malgré le déluge de feu déversé sur Gaza depuis 15 mois.

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale et chef du parti ouvertement fasciste «Puissance juive», est apparu hier dans l’émission israélienne «Meet the Press» pour exprimer son opposition à la fin de la guerre et affirmer que Nétanyahou soutient son idée «d’encourager l’émigration» des Palestiniens de Gaza.

Nétanyahou resserre les rangs avec ses partenaires d’extrême droite pour une raison évidente : si ceux-ci abandonnent son gouvernement et provoquent des élections anticipées, il subirait une défaite écrasante. Les sondages sont clairs : si de nouvelles élections avaient lieu aujourd’hui, les partis de la coalition de Nétanyahou perdraient leur majorité actuelle de 68 sièges sur 120 à la Knesset (le Parlement israélien) et n’en remporteraient que 49. Ainsi, pour Nétanyahou, s’opposer à la volonté populaire, y compris à celle de ses propres électeurs, est un acte désespéré de survie politique.